>>Non, on n�a pas accord� aux fr�res Dardenne leur troisi�me Palme d�Or au festival de Cannes!
Ils ont d� se contenter, si je puis dire, du grand prix, ex aequo avec le turc Nuri Bilge Ceylan. On ne peut pas leur remettre, � chaque fois, la r�compense supr�me, mais force est de constater qu�il n�y a pas eu, jusqu�� pr�sent, la moindre fausse note dans leur parcours. Et "Le gamin au v�lo" est sans conteste un film majeur, une grande r�ussite.
D�s les premi�res images, le spectateur est happ�, pris aux entrailles, par le gamin du titre, Cyril, une boule de nerfs qui se bat et se d�bat afin de retrouver son p�re. Ce dernier, en effet, l�a plac� dans un foyer d�aide � l�enfance et s�est envol� sans laisser d�adresse. Mais Cyril ne l�entend pas de cette oreille, rien ne peut l�arr�ter dans sa qu�te. Et la rencontre aura lieu: sc�ne poignante entre un fils qui ne demande qu�un peu de consid�ration et d�affection et un p�re que son enfant encombre et qui voudrait s�en d�barrasser!
Ce gamin fragilis�, meurtri, c�est la proie id�ale pour un jeune dealer qui cherche � recruter les complices de ses forfaits. Avec Cyril, rien de plus facile: il suffit de le flatter un peu et le voil� pr�t � prendre tous les risques, � voler, � frapper, � la place du petit ca�d qui joue au protecteur.
Il y a beaucoup de violence dans ce film: Cyril prend des coups et il en donne. Mais il y a aussi et surtout ce myst�re: l�irruption de ce qu�on peut appeler la gr�ce. En l�occurrence, il s�agit de Samantha, la coiffeuse que Cyril rencontre et � qui il demande si elle veut bien l�accueillir chez elle les week-ends. Elle accepte, elle s�attache � ce gamin qui fait volontiers les quatre cents coups. Mais rien ne la d�courage, elle ne s�est pas engag�e � moiti�.
Le film acquiert alors la force et la beaut� d�une parabole. Et, comme toujours avec les paraboles, il n�y a pas besoin d�explication. Le r�cit suffit, les faits parlent avec assez de force. Pourquoi Samantha agit-elle ainsi, pourquoi est-elle pr�te � tous les sacrifices pour venir en aide � ce gamin? Quand Cyril lui pose la question, elle est incapable de r�pondre. Les actes sont plus importants que les discours. C�cile de France, qui incarne Samantha, n�a peut-�tre jamais �t� aussi convaincante. Quant au jeune Thomas Doret, qui joue le r�le de Cyril, il cr�ve litt�ralement l��cran.
Malgr� la violence qui court tout au long de ce r�cit, malgr� la d�tresse poignante du gamin, nous avons sans doute l� le film le plus lumineux des Dardenne. Non seulement parce qu�ils ont tourn� en plein �t�, mais surtout � cause de Samantha, personnage � la fois sublime et �nigmatique.
THE TREE OF LIFE
Un film b�ti comme une pri�re
>> Cin�aste rare et � combien secret, qui ne donne quasiment jamais d�interviews et qui d�teste appara�tre en public, Terrence Malick nous livre son cinqui�me film en une quarantaine d�ann�es. Autant dire que chacune de ses �uvres est longuement m�rie et r�fl�chie, et peaufin�e jusqu�� l�obsession, ce qui le rapproche en effet de Stanley Kubrick � qui on le compare parfois.
Au festival de Cannes, "The Tree of Life" a �t� accueilli � la fois par des hu�es et par des applaudissements. Mais puisqu�il est visible d�s � pr�sent sur de nombreux �crans, autant le juger sur pi�ce, ce que je me suis empress� de faire. On comprend d�s lors qu�un tel film, qui ne ressemble � rien de ce qu�on a d�j� vu, sera n�cessairement honni par les uns et adul� par les autres. En ce qui me concerne, je me range r�solument dans la deuxi�me cat�gorie.
"The Tree of Life" est en effet, � mon humble avis, un film d�une stup�fiante beaut�. N�attendez pas de ma part que je le raconte ou que je cherche � le r�sumer, car ce serait peine perdue. Il y a bien, au c�ur du film, un semblant de r�cit, ou plut�t une �vocation, sem�e d�ellipses, d�une famille compos�e d�un p�re trop autoritaire, d�une m�re tr�s aimante, et de trois enfants. C�est pr�cis�ment l�un des enfants qui, bien des ann�es plus tard, se rem�more ses jeunes ann�es, sem�es de joies, de souffrances et de questionnements.
Ces r�miniscences et ces questionnements conduisent le r�alisateur � composer son film � la fois comme un po�me, une m�ditation et une pri�re. C�est la premi�re fois, � ma connaissance, qu�un film tout entier est b�ti comme une pri�re. Car il s�agit bien de cela: pri�re de louange devant le spectacle de la cr�ation, acte d�esp�rance en une humanit� qui finira par se r�concilier dans l�amour et questions pos�es � Dieu quant � la pr�sence du mal et de la souffrance dans ce monde. D�une certaine fa�on, c�est la Bible tout enti�re qui est ici � la fois convoqu�e et invoqu�e, depuis la Gen�se jusqu�� l�Apocalypse en passant par les grands points d�interrogation de Job et le message d�amour du Christ. Certains commentateurs parleront de grandiloquence, d�autres jugeront que c�est fumeux. Mais ce n�est pas mon opinion, ou alors il faudrait consid�rer que la Bible elle-m�me est un livre fumeux�
Au contraire, j�estime que ce film est merveilleusement bien �crit et r�alis�. Il n�y a qu�une seule sc�ne qui, � mon avis, d�note une erreur de jugement: Malick a essay�, dans une des derni�res sc�nes du film, de repr�senter l�au-del�. C�est �videmment une b�tise, mais cette seule faute de go�t ne suffit pas, loin de l�, � discr�diter l�ensemble de ce film qui demeure sublime.