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Cinéma: Friedrich Wilhelm Murnau

Parmi les grands mérites de l'abondante production de films en format DVD, il faut citer au premier chef la mise à disposition du public des œuvres du patrimoine cinématographique.

On ne remerciera jamais assez les éditeurs qui ont eu l'idée lumineuse d'intégrer à leur catalogue les grandes œuvres d'un des maîtres du muet, Friedrich Wilhelm Murnau. Né en Westphalie le 28 décembre 1888, il se consacrera entièrement au cinéma au lendemain de la guerre de 1914- 1918, au point de devenir un des chefs de file du cinéma expressionniste allemand.

Très vite sa personnalité s'affirme et il donne au cinéma allemand de cette époque quelques-uns de ses chefs d'œuvre. Le premier film important de Murnau paraît en 1922: c'est l'inoubliable "Nosferatu le vampire". Dans son "Journal", Julien Green raconte qu'il vit ce film à Paris en 1923 et qu'il le revit par la suite de nombreuses fois sans jamais se lasser. C'était pour lui un sommet, sinon le sommet, du cinéma fantastique (et il avait raison !). Car ce qui caractérise ce film (et d'ailleurs tout le cinéma de Murnau), c'est l'extraordinaire poésie de la mise en scène et de l'image.

Murnau ne se contente pas (comme ce sera malheureusement le cas chez beaucoup d'autres cinéastes du fantastique par la suite) de chercher à provoquer la peur chez le spectateur, mais il compose son film en véritable poète de l'écran. Son sens de l'image est tel qu'un critique autrichien de l'époque affirmait: Murnau "ne fait qu'un avec la caméra"! Ces qualités de mise en scène, ce sens de l'image, et en particulier du clair-obscur, se retrouveront dans les autres grands films allemands de Murnau: "Le dernier des hommes", "Tartuffe" et "Faust".

En 1926, Murnau est engagé par la Fox et commence aux États-Unis une nouvelle carrière. Son premier film américain, "L'aurore", est un coup de maître, une œuvre que François Truffaut déclarera être "le plus beau film du monde"! C'est l'histoire d'un homme, un paysan, qui se laisse séduire par une femme venue de la ville au point d'abandonner son épouse et son enfant. Mais, après des péripéties, il finit par ouvrir les yeux, par découvrir la vraie nature de la tentatrice qui va jusqu'à lui suggérer l'assassinat de sa femme. En fin de compte, c'est auprès de cette dernière, de son épouse, qu'il retrouvera le bonheur. A partir de cette trame assez simple, Murnau brode un film qui n'est que pure poésie.

Bien des cinéastes d'aujourd'hui peuvent encore envier la souplesse avec laquelle Murnau fait bouger sa caméra ou la sophistication dont il fait preuve dans l'utilisation des lumières. En 1929, Murnau réalise un rêve : il achète un yacht avec lequel il entreprend un voyage qui le mènera à Bali, aux îles Marquises, à Tahiti et à Bora Bora. C'est dans ces îles qu'il tourne son dernier film, "Tabou", sorte de poème lyrique sur fond documentaire qui conte l'histoire d'un pêcheur de perles, Matahi, qui est amoureux de la belle Reri et s'apprête à lui déclarer sa flamme. Mais voilà que le chef de la tribu, Hitu, voue Reri aux dieux, ce qui la rend tabou. Les deux amants seront contraints de fuir sur une autre île où, bien sûr, le destin finira par les rattraper. Une fois encore, Murnau a composé un film magnifique.

Malheureusement, de retour en Amérique pour la première de "Tabou", il est victime d'un grave accident de la route et meurt à l'hôpital le 11 mars 1931. Nous sommes à l'aube du cinéma parlant. Cependant, Murnau, qui n'a pu réaliser que des films muets, reste et restera comme l'un des plus grands créateurs de l'histoire du septième art.


par Luc Schweitzer ss.cc
in "Horizons Blancs" n°194






"De l'autre côté" de Fatih Akin

Voici, sans nul doute, un des grands films de 2007. Au festival de Cannes, on lui a accordé le prix du scénario ainsi que le prix du jury œcuménique, mais il méritait d’avoir la Palme d’Or.

C’est le cinquième long métrage d’un cinéaste qu’on a découvert il y a trois ans avec "Head-on", Fatih Akin, allemand d’origine turque âgé de 34 ans.

"De l’autre côté" fait partie de ces films qu’on peut difficilement raconter sur le papier sans donner au lecteur une impression d’extrême complexité, alors que, sur l’écran, le spectateur est subjugué par la limpidité et la fluidité de la mise en scène. Disons donc qu’il est question de six personnages dont les vies et les destins vont s’entrecroiser au fil d’allers et retours entre l’Allemagne et la Turquie, entre Hambourg, Brême et Istanbul. Nous faisons ainsi la connaissance de Nejat, professeur de littérature allemande à Hambourg, et de son père Ali. Ce dernier s’entiche d’une prostituée, Yeter, dont la fille, Ayten, est une activiste kurde. Celle-ci, de son côté, rencontre une jeune Allemande, Charlotte, et sa mère, Suzanne. Jamais ces personnages ne sont tous réunis: ils se cherchent sans se trouver ou se trouvent sans se chercher…

Les destinées sont bouleversées par l’irruption de la tragédie, en l’occurrence la mort de deux des personnages: mort de Yeter, frappée et tuée par Ali un soir de beuverie, et mort de Charlotte, partie à Istanbul sur les traces d’Ayten et tuée bêtement par un gamin qui s’est emparé d’un pistolet. Pour ceux qui restent survient alors le poids de la culpabilité, mais aussi la nécessité du rachat et celle du pardon. Jamais peut-être un cinéaste n’a su aborder ces thèmes-là avec autant de justesse, de simplicité, d’authenticité et de pudeur. Dieu sait que lorsqu’on veut parler de faute et de rachat on peut tomber dans de déplorables écueils! Fatih Akin les évite tous avec intelligence en restant au plus près de l’humanité de ses personnages: il ne s’égare jamais dans les impasses du film à thèse dans lequel il n’y aurait d’autre objectif que d’être l’incarnation d’un message, aussi beau soit-il, il nous donne à voir des personnages qui, confrontés à un monde de violence, violence des individus, mais aussi violence politique, violence physique et violence morale, restent des êtres de chair et de sang, des êtres qui tâtonnent, des êtres qui souffrent, des êtres qui espèrent, des êtres qui luttent ou qui veillent.

Il n’est guère possible de rendre compte de toute la richesse de ce film qui aborde bien d’autres thèmes encore, à commencer bien sûr par le dialogue difficile et douloureux entre les pays et les cultures turque et allemande. Ce qui est sûr, c’est qu’avec ce film Fatih Akin s’élève d’ores et déjà au rang de grand cinéaste capable de bâtir un scénario complexe tout en le rendant simple aux yeux du spectateur. Pas un plan n’est superflu, pas une scène n’est redondante. Quant aux acteurs, ils sont tous impeccables: on n’oubliera pas de sitôt Suzanne (Hanna Schygulla) en larmes dans une chambre d’hôtel ou Nejat (Baki Davrak) attendant, assis sur une plage, le retour de son père à qui il peut enfin accorder son pardon… Rien, dans ce film, n’est démonstratif, tout est juste, précis, beau et bouleversant.

Luc Schweitzer ss.cc

Fiche du Film:
De l'autre côté (Auf der anderen Seite)
Film turc, allemand
De Fatih Akin
Avec Baki Davrak, Tuncel Kurtiz, Patrycia Ziolkowska
Durée : 2h02min.
Année de production : 2007
Distribué par Pyramide Distribution

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