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Hommage � Ingmar Bergman (1918-2007)
par Luc Schweitzer ss.cc in "Horizons Blancs" n�192
Bergman est, avec Andrei Tarkovski, celui qui m'aura fait aimer passionn�ment le cin�ma. La d�couverte de son couvre fut un choc extraordinaire, comparable � ce que j'�prouvai quand je lus pour la premi�re fois les grands romans de Dosto�evski. Sa filmographie ne comporte certes pas que des chefs d'�uvre, mais elle reste et restera sans nul doute l'une des plus importantes du septi�me art. On peut voir et revoir la plupart des films de Bergman sans jamais se lasser parce qu'il n'y a pas moyen d'en �puiser le sens ou d'en sonder toute la profondeur (ce qui est �videmment le propre des grandes ouvres, de celles qui comptent).
Enfant, le jeune Ingmar d�couvre la magie du cin�ma apr�s avoir obtenu de son fr�re qu'il lui �change un appareil de projection cin�matographique contre quelques soldats de plomb. Et voil� comment na�t une vocation et comment un gar�on met en �chec la folie qui le guettait. Car le p�re d'Ingmar, tout pasteur qu'il soit, �l�ve ses enfants avec la plus grande rudesse et dans la plus grande aust�rit�, allant jusqu'� leur infliger des humiliations punitives. C'est ainsi qu'Ingmar est parfois enferm� dans (a morgue de l'h�pital dont son p�re est l'aum�nier.
On comprend d�s lors pourquoi la mort est un des th�mes r�currents de la filmographie de Bergman. La mort certes, mais aussi la vie, mais aussi l'amour. Sien s�r il y a de grands tourments chez cet homme, mais il faut combattre le clich� qui en ferait un cin�aste exclusivement pessimiste. L'ambition de Tarkovski �tait de filmer l'invisible, celle de Bergman est tout aussi audacieuse: il s'agit de regarder � l'int�rieur des �tres. Or � l'int�rieur des �tres il y a la peur, la solitude et la mort, mais aussi la joie, l'amour et la vie. Il ne faut pas craindre de se confronter � ses d�mons pour d�couvrir l'autre face de l'�me humaine, lumineuse et apaisante. Bergman s'interroge et nous interroge au sujet du silence de Dieu, de l'angoisse de la mort, de la difficult� d'aimer... Le cin�ma de Bergman n'est ni introspectif ni c�r�bral, mais il prend le parti d'aller aussi loin qu'il est possible dans l'exploration de l'�me humaine, de scruter, de sonder, jusqu'� d�ranger le confort du spectateur, jusqu'� le mettre mal � l'aise si n�cessaire.
Pour illustrer mon propos, je ne citerai qu'un seul film, "Cris et chuchotements", paru en 1972. Dans ce chef d'�uvre, une fois encore, il est question de la mort. Agn�s est � l'agonie et l'on entend ses cris et ses r�les d'une mani�re qui peut para�tre intol�rable et qui donne presque envie de fuir. C'est d'ailleurs ce que font les deux soeurs d'Agn�s, Maria et Karin : elles s'�loignent pour chuchoter d�risoirement, d�montrant ainsi qu'elles sont incapables de soulager la malade, de l'apaiser, de communiquer avec elle. Elles sont enferm�es dans leur �go�sme, leur terreur, leur mensonge. Mais il y a Anna, l'�nigmatique servante dont on se demande qui elle est et ce qu'elle cherche. Mais une chose est s�re: Anna a le coeur pur et elle seule est capable d'aimer, ce qui nous donne ce plan extraordinaire o� l'on voit Anna portant sur ses genoux la d�funte Agn�s comme une pi�ta. Et la mort, si terrifiante chez Bergman, semble � pr�sent quelque chose de simple et de paisible...
On comprendra ais�ment que les films de Bergman ne sont pas � recommander � ceux qui ne voient dans le cin�ma qu'un aimable moyen de divertissement. Mais pour ceux qui se font une id�e bien plus haute de cet art, Bergman demeurera, malgr� ce qu'il y a de sombre dans son ouvre, comme un de ceux qui l'ont le mieux ma�tris�, qui lui ont le mieux donn� ses lettres de noblesse et qui l'ont introduit r�solument dans la modernit�.
N.B.: la majeure partie de la filmographie de Bergman est disponible en DVD. On lira avec profit la passionnante autobiographie de Bergman parue sous le titre de "laterna magica" (Folio), ainsi que le beau volume paru dans la collection. D�couvertes Gallimard intitul� "Ingmar Bergman le magicien du Nord".
JESUS CAMP, de Heidi Ewing et Rachel Grady
par Luc Schweitzer ss.cc, in "Horizons Blancs" n�191
Lorsqu�on pense � l�int�grisme religieux et aux inqui�tantes pratiques qu�il suscite, on lorgne volontiers du c�t� de l�Islam. C�est oublier un peu vite ce qui se passe chez nous, chez les chr�tiens, ou plus exactement dans certains groupes qui se r�clament du Christ. Voici donc un documentaire saisissant qui nous montre de quoi des chr�tiens sont capables. Nous sommes aux Etats-Unis, chez les chr�tiens �vang�liques, constellation d�Eglises et de sous-groupes tous ultraconservateurs, dont le but affich� est de faire des Etats-Unis un pays th�ocratique.
Pour y parvenir, tous les moyens sont bons, y compris l�embrigadement des enfants qu�il s�agit de fa�onner jusqu�� les transformer en " petits soldats du Christ ". Le film nous fait voir comment s�y prend une femme pasteur pentec�tiste, Becky Fisher, qui s�est sp�cialis�e dans l�endoctrinement des enfants car, affirme-t-elle, " entre 7 et 9 ans, on peut faire croire n�importe quoi � un �tre humain, cela restera grav� dans son cerveau pour la vie " ! Nul doute que le lavage des cerveaux est efficace, d�autant plus que, pour mieux garder les enfants sous sa coupe, elle a fond� pour eux un camp d��t� situ� dans le Dakota du Nord, pr�s d�un lac qui se nomme � cela ne s�invente pas � le lac du Diable !
Becky Fisher est obs�d�e par le mal pr�cis�ment, au point qu�elle fait des pri�res d�exorcisme sur les micros et les amplis de sa salle de pri�re avant que les enfants ne s�y assemblent. On pourrait en sourire comme on pourrait sourire lorsqu�elle explique que c�est un p�ch� que de lire les aventures d�Harry Potter, le sorcier ! Mais le sourire se fige quand on voit des enfants tellement manipul�s qu�ils entrent en transe et se mettent � parler " en langues " comme s�ils �taient pris de d�mence. On a froid dans le dos lorsque Becky Fisher les invite � laver leurs p�ch�s " dans le sang du Christ " et � entrer en guerre contre toute forme de progressisme car les " petits soldats du Christ " se doivent de lutter aussi bien contre l�avortement que contre le darwinisme. Et on est atterr� quand est pr�sent�e aux enfants une effigie en carton de George W. Bush qu�ils se mettent � v�n�rer et � embrasser !
Pas une parole d�amour ne vient agr�menter le discours de Becky Fisher, rien que des mots de guerre et de conqu�te. Pour ces chr�tiens �vang�liques, les Etats-Unis sont le pays que Dieu s�est choisi : il faut donc le conqu�rir et le dominer. Les parents en sont tellement convaincus que, pour la plupart, ils �duquent leurs enfants � domicile, par crainte de ce qu�on pourrait leur inculquer s�ils allaient � l��cole. Le film nous fait pressentir les ravages d�j� exerc�s dans les esprits de quelques-uns de ces enfants : voici un gar�on qui r�ve de devenir pr�cheur, une fillette qui aborde les passants pour en faire de nouveaux adeptes, une autre fillette qui s�inqui�te de trop aimer la danse�
L�entreprise d�ali�nation mentale dont Becky Fisher est une des championnes se situe donc dans le cadre d�une guerre : guerre d�une Am�rique ultra religieuse et ultra conservatrice contre une Am�rique la�que et progressiste. Or 38% des Am�ricains se d�finissent comme �vang�liques : il s�agit d�une force non n�gligeable, dont le poids politique est consid�rable. Ted Haggard, pr�cheur �vang�liste et conseiller du pr�sident Bush (!) l�affirme sans ambigu�t� : " Si les �vang�listes votent, ils d�terminent l��lection."
Film am�ricain r�alis� par Heidi Ewing, Rachel Grady; sortie le 18 Avril 2007; avec Becky Fischer, Mike Papantonio; Dur�e : 1h 25min; 2006;Distribu� par Haut et Court.
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