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Ronaldo Mu�oz (1933-2009)

Comment chercher Dieu dans la r�alit�

Ronaldo Mu�oz, th�ologien de la lib�ration et pr�tre de la congr�gation des Sacr�s-C�urs (Picpus) au Chili est d�c�d� le 15 d�cembre 2009, � l��ge de 76 ans.

Amoureux de l'Eglise, Ronaldo Mu�oz �tait proche des autres th�ologiens de la lib�ration, notamment ceux de la premi�re g�n�ration: Gustavo Guti�rrez (P�rou), Leonardo Boff (Br�sil), Jon Sobrino (Salvador), Juan-Luis Segundo (Uruguay). Il avait particip� activement aux conf�rences des �v�ques de Puebla, Santo Domingo et Aparecida. Un seul livre a �t� publi� en fran�ais: "Dieu, j�ai vu la mis�re de mon peuple" au Cerf (1990).

Ronaldo Mu�oz avait � c�ur de vivre et de travailler dans les secteurs les plus pauvres de Santiago du Chili, tout en partageant son temps avec son minist�re de th�ologien en Am�rique Latine. La Bible et la vie partag�e avec les plus marginalis�s �tait au c�ur de sa r�flexion sur Dieu.

Il �tait entr� dans la Congr�gation des Sacr�s-C�urs, apr�s des �tudes d�architecture. Ordonn� pr�tre en 1961, � Los Perales, Il continue ses �tudes � Rome et devient licenci� en th�ologie de l�Universit� Gr�gorienne de Rome et commence son doctorat � l'universit� Catholique de Paris. Il pr�sente ensuite une th�se � Ratisbonne, "Nouvelle conscience de l'Eglise en Am�rique Latine" � Ratisbonne devant le professeur Ratzinger (Beno�t XVI).



Comment chercher Dieu dans la r�alit�, par Ronaldo Mu�oz, ss.cc

� Extrait de Dieu, "j�ai vu la mis�re de mon peuple"
publi� au Cerf en 1990 (Collection Lib�ration, pp. 129-133)
traduction de l'espagnol par Salom� de Unamuno




<< Ces lignes peuvent rev�tir une utilit� didactique pour les lecteurs et servir aussi de mati�re � r�flexion, en groupe, � la mani�re d'un enseignement destin� � la recherche chr�tienne de Dieu dans notre r�alit�.

Avec ces six "instructions", nous ne voulons pas adopter une pens�e lin�aire ou analytique, mais une pens�e de type dialectique qui nous para�t la moins inad�quate. Nous posons d'une certaine mani�re six paradoxes: six couples de termes apparemment contradictoires entre eux, qui appellent leur d�passement et qui pointent ensemble, au-del� de toute pens�e et de tout d�sir, en direction du Dieu de la vie. La contradiction interne de ces paradoxes se trouve dans les limites �troites de notre opinion (doxa) ou de notre discours (Iogos) et non dans la richesse complexe de la vie ni dans le myst�re de Dieu.

Il y a des moments o� nous ne pouvons que rester silencieux devant Dieu, saisis par sa grandeur inou�e. Il y en a d'autres o� nous chantons son "humanit� bienfaisante" (Tt3,4). Nous savons n�anmoins que la tendresse est pr�sente dans sa grandeur, et la grandeur dans sa tendresse. Formulons donc ces six instructions en forme de paradoxes.

1. Nous cherchons un Dieu cach� (Is45,15), invisible: "Dieu, nul ne l'a jamais contempl�" (Jn1,18; 1Jn4,12). Il �chappe � toute �vidence, � toute "captation" de notre part. Il est pour nous indicible, m�me pour notre logos int�rieur, comme nous l'enseignent les P�res grecs, car il ne peut se circonscrire, c'est-�-dire qu'on ne peut le cerner par notre imagination et notre intelligence (Cf. Justin, Ir�n�e de Lyon, Cl�ment d'Alexandrie).

Dieu ne nous a pas dit: "Cherchez-moi dans le vide" (Es 45,19), "Personne n'a jamais vu Dieu; [mais] Dieu, fils unique qui est dans le sein du P�re, nous l'a d�voil�" (1Jn 4,12). Dieu lui-m�me s'est r�v�l� � nous dans un homme concret J�sus-Christ. "Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m'as pas reconnu! Celui qui m'a vu a vu le P�re" (Jn14,9). Dieu inaccessible nous est devenu accessible et observable dans notre monde humain (Ir�n�e de Lyon). Entre tous les lieux possibles de l'histoire et de la soci�t�, entre tous les styles de vie imaginables... il a choisi, pour se r�v�ler � nous, pr�cis�ment cette histoire, cet homme, J�sus de Nazareth. Le J�sus historique est le Logos de Dieu, la parole qui le dit (Jn1,1-8; 1Jn1,1-3). Or, ce Christ se met � notre port�e et nous parle dans l'Evangile et -� la lumi�re de l'Evangile- dans nos semblables, sp�cialement dans les opprim�s et dans ceux qui luttent pour la justice.

Notre Dieu est un Dieu cach�... qui se r�v�le en J�sus-Christ... tout en restant cach�, toujours plus loin.

2. Nous cherchons un Dieu universel, Dieu de la nature et de la soci�t�, de l'humanit� tout enti�re, du cosmos. Le Dieu de tous et de l'histoire universelle, qui n'est le monopole d'aucun groupe, d'aucune institution. Le Dieu public qui ne se laisse pas r�duire � un fragment de la vie personnelle ou sociale.

Mais ce Dieu ne va pas rester abstrait ou diffus. Il choisit des personnes et convoque des communaut�s, particuli�res et limit�es, celles qui le reconnaissent comme quelqu'un qui nous interpelle et nous engage � son service. Ces personnes et ces communaut�s Dieu les consacre comme ses t�moins, il en fait sa famille, son peuple, son sacrement particulier dans le monde et dans l'histoire de l'humanit� (Rm8,15-25; Col3,1-5).

Notre Dieu est universel... et il nous convoque, nous les chr�tiens, pour le reconna�tre et pour l'annoncer, en communaut�s particuli�res... en nous appelant � rompre les routines institutionnelles, les barri�res de groupe pour sortir de nous vers "les autres" en essayant d'apprendre d'eux et de les servir; en allant vers la majorit� marginalis�e, vers le monde des jeunes en train de na�tre...

3. De cette mani�re nous cherchons et d�couvrons un Dieu toujours plus grand, toujours plus admirable, un Seigneur souverainement libre, un Dieu qui d�passe nos int�r�ts et nos commodit�s, qui casse nos sch�mas socioculturels, institutionnels et mentaux.

Mais ce Dieu n'�crase pas l'�tre humain, n'inhibe pas son activit� cr�atrice et responsable. Il nous arrache � nos petitesses et � nos affaires �troites, nous lib�re et nous fait grandir, il forme en nous, avec l'Esprit du Christ "un c�ur grand pour aimer et fort pour lutter".

Notre Dieu est un Dieu toujours plus grand... il fonde la dignit� de l'homme, le fait grandir et devenir libre, en exigeant de lui une abn�gation de plus en plus radicale, un plus grand renoncement dans le don de la propre vie pour la cause de son R�gne sur la terre.

4. Dans la m�me direction, nous cherchons et d�couvrons un Dieu gratuit qui est plus que la r�ponse � nos questions et � nos besoins inassouvis, plus que la projection de nos d�sirs. Un Dieu qui ne peut �tre r�duit � une "pi�ce", si importante f�t-elle, de notre syst�me d'explications ou de notre �quilibre personnel, de l'ordre (�tabli ou projet�) de la soci�t� humaine. Le Dieu vivant fait irruption dans notre vie et dans l'histoire, impr�visible, en faisant des choses jamais imagin�es: au-del� de toutes nos demandes, de tous nos projets, de tous nos d�sirs. Lorsqu'il se pr�sente et que nous l'accueillons, il se laisse reconna�tre comme quelqu'un qui m�rite d'�tre aim� pour lui-m�me, pour sa valeur, au-del� de "l'utilit�", de son amiti�. Il se laisse reconna�tre comme quelqu'un qui m�rite d'�tre aim� "avec tout notre c�ur, avec toute notre �me, avec toutes nos forces".

A cause de cela -quoique paradoxalement- Dieu n'est ni "superflu", ni 'insignifiant" pour notre vie et pour le monde. Au contraire, lorsque nous le trouvons lui, le Dieu vivant, il transforme notre vie et lui donne un sens personnel et collectif. La Bible exprime cela avec l'image de l'ami, avec l'image de l'�poux. La rencontre avec une personne qui devient moi ami ou mon �pouse aurait pu ne pas se produire, mais elle s'est produite; et une fois arriv�e, cette rencontre a chang� ma vie. Avec le Dieu vivant, la rencontre arrive, elle est un fait contingent, mais dans ce cas nous le rencontrons comme celui qui "�tait d�j�" dans la racine et dans la dynamique de notre vie et de l'histoire. Car il est l'ami et l'�poux, mais aussi le p�re et le but de notre vie, le d�but et la fin de l'histoire et du monde.

Notre Dieu est un Dieu gratuit... qui change notre vie lorsque nous le rencontrons... mais qui ne sera jamais manipulable pour nos fins; comme celui qui doit �tre aim� "par-dessus tout", car il est le But et le Futur absolu de notre vie et de l'histoire, m�me s'il n'est "le moyen" de rien.

5. C'est dire que nous d�couvrons que celui que nous cherchions est un Dieu qui ne r�sout pas les probl�mes humains. Le Dieu vivant n'est pas un recours pour r�soudre nos doutes ou pourvoir � nos besoins. Il n'est pas en comp�tition avec la science et la technique, avec la responsabilit� �thique et politique des hommes, Dieu n'est pas un "bouche-trou" pour suppl�er aux d�ficiences humaines personnelles ou collectives.

Mais ce Dieu n'est pas distant ou indiff�rent envers la souffrance et les angoisses des hommes: il n'est pas neutre face � l'injustice, au d�pouillement et � la r�pression dont souffrent les pauvres. Le Dieu vivant est mis�ricordieux pour ceux qui souffrent, il �coute l'appel des opprim�s et� se fait pr�sent pour nous lib�rer, radicalement. Il vient, avec son Christ et avec son Esprit, nous lib�rer du p�ch� qui est � l'origine de toutes les souffrances, de toutes les oppressions qui �crasent et d�chirent le corps et l'esprit des hommes, de chaque homme et de la soci�t�.

Notre Dieu n'est pas l� pour r�soudre nos probl�mes... mais il va nous en lib�rer en nous appelant et en nous encourageant � l'effort g�n�reux et � la lutte, avec notre intelligence et notre responsabilit�: par nos doutes et nos conflits, notre pratique, notre souffrance et notre mort; en sachant que "rien ne pourra nous s�parer de l'amour de Dieu manifest� en J�sus-Christ notre Seigneur" (Rm8,39).

6. Dans le m�me sens, et pour terminer, nous cherchons et trouvons un Dieu qui accompagne dans son impuissance la victime innocente de l'oppression et de la violence, celui qui est pers�cut� � cause de la justice. Un Dieu qui accompagne les victimes de la violence institutionnalis�e et de la r�pression, en donnant force et espoir, lumi�re et courage. Il n'�pargne pas aux siens le conflit, la pers�cution ni la torture, jusqu'� la mort sur la croix; il ne leur �vite ni la fatigue, ni les h�sitations, ni la peur.

Dieu ne nous laisse pas dans l'absurde, il ne veut pas pour nous la souffrance et la mort. Il se r�v�le partout o� il y a des signes de vie et d'amour solidaire, de d�vouement, de joie partag�e, d'espoir. Il est le Dieu de la vie, le P�re qui veut la vie et la joie pour ses enfants. Il est celui qui nous offre la vie par son Christ et son Esprit; � commencer par les opprim�s, les marginalis�s de la vie. Ce sont eux qui sont favoris�s les premiers par la justice du royaume de Dieu.

Notre Dieu accompagne les victimes impuissantes... et il se r�v�le l� o� il y a des signes d'amour solidaire et de vie� en fortifiant comme objet d'espoir notre justice et la pl�nitude de vie de notre peuple, cach�es avec J�sus-Christ ressuscit�.





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