>> Les personnes qui vivent dans la rue nous font souvent peur, nous d�rangent, elles nous renvoient � une r�alit� qu�il est bien dur de reconna�tre.
Qui sont-elles ces personnes install�es sur les trottoirs, sous les ponts, dans les squares ou le long des p�riph�riques de nos villes? Ce t�moignage nous invite � une plong�e dans les rues de Paris, pour y rencontrer Betty, Marcel, David, Marthe, Rachid, �tienne,� venus �chouer l�, apr�s bien des blessures. Nous d�couvrons avec effarement ce qu�ils vivent, nous racontent, et petit � petit, notre regard change, d�couvrant la grande humanit� de toutes ces personnes, malgr� la violence insupportable de leur quotidien. Jusqu�� en �tre transform�s.
L'auteur, Isabelle MIALON, raconte notamment quelques rencontres faites avec notre Fr. Eric qui est engag� au service des personnes de la rue, au sein de l'association Aux Captifs, La Lib�ration.
OSSIP MANDELSTAM, MON TEMPS, MON FAUVE
une biographie de Ralph Dutli
>>Dans "Fahrenheit 451", Fran�ois Truffaut d�crivait un univers oppressant et futuriste dans lequel les livres �taient interdits, recherch�s et syst�matiquement br�l�s. Pourtant, � la fin du film, on d�couvrait que ce qu�on s�ing�niait � d�truire �tait sauv�: sauv� par des hommes-livres, chacun d�entre eux ayant appris par c�ur un ouvrage et le pr�servant ainsi de l�an�antissement.
Eh bien, il faut admettre que le monde d�crit par Truffaut (qui adaptait un roman de Ray Bradbury) n��tait pas, en v�rit�, futuriste, mais r�el: c�est le monde qu�a connu l�un des plus grands po�tes russes du XXe si�cle, Ossip Mandelstam (1891-1938), c�est le monde voulu par les ma�tres de l�URSS , et en particulier par le plus inflexible d�entre eux, Joseph Staline.
Avec passion et en illustrant largement son propos avec les vers de Mandelstam, Ralph Dutli raconte la vie de ce dernier, la vie d�un homme qui ne vivait que de po�sie, pour qui la po�sie �tait respiration, rumination, nourriture� Mandelstam n��crivait pas ses vers, il les ruminait, il les triturait, il les malaxait et, quand enfin il �tait satisfait, il les dictait. La po�sie de Mandelstam est sonore, elle est musique, elle est voix, elle est faite pour �tre dite � haute voix.
Bien des aspects de la vie et de la personne de Mandelstam sont abord�s dans l�ouvrage de Ralph Dutli: on y d�couvre � la fois sa jud�it� et son profond int�r�t pour le christianisme, ainsi que la passion qu�il �prouvait pour les cultures europ�ennes, en particulier italienne et fran�aise. Mais on y d�couvre aussi une vie de grande pr�carit�, la vie d�un homme errant de logis en logis, oblig� de qu�mander de l�argent pour pouvoir subsister, souffrant de froid et de faim.
Tout s�aggrave, bien s�r, lorsque Staline acquiert les r�nes du pouvoir. Mandelstam, en vrai po�te qu�il est, �pris de libert�, ne supporte pas le spectacle sanglant qu�impose le ma�tre du Kremlin. Et il osera l�impensable, il osera composer et d�clamer � ses amis une �pigramme � Staline, dans laquelle ce dernier est qualifi�, entre autres, de "corrupteur des �mes" et "d��quarrisseur des paysans". Tous ceux qui entendent ce po�me en sont terrifi�s. Mais Mandelstam ne peut pas se taire, et il le paiera de sa vie.
Dans un premier temps, il est condamn� � la rel�gation dans la ville de Voronej. Il y reste trois ans et y compose quelques-uns de ses plus beaux po�mes. Puis, suite � une lettre de d�nonciation du secr�taire g�n�ral de l�Union des �crivains socialistes, il est condamn� � cinq ans de travaux forc�s. Mais, �puis�, malade, us� avant l��ge, il ne parvient pas m�me jusqu�au bout du voyage qui le conduit au goulag. Il meurt dans un camp de transit pr�s de Vladivostok le 27 d�cembre 1938.
Cette �vocation de Mandelstam, cependant, ne serait pas compl�te si l�on ne disait pas un mot de celle qui fut sa compagne, Nadejda. Tous deux s��taient rencontr�s le 1er mai 1919 � Kiev. Nadejda partagera la vie d�errance et de mis�re du po�te, elle supportera bien des vicissitudes, mais elle sera aussi � la source de bien des po�mes. Et surtout, elle restera fid�le � Ossip bien au-del� de la mort de celui-ci, jouant de toutes les ruses et de tous les stratag�mes pour sauver l��uvre du po�te que les ma�tres du Kremlin r�vaient d�an�antir. L�un de ces stratag�mes, ce fut d��tre, comme dans le film de Truffaut, la femme-livre, celle qui avait appris par c�ur tous les po�mes de son compagnon et qui put ainsi les pr�server et les transmettre.