>>Quand il meurt, le 18 mai 1911, � l��ge de 51 ans seulement, Gustav Mahler ne doit sa notori�t� qu�� ses talents de chef d�orchestre. Pendant dix ans, de 1897 � 1907, il fut � la t�te d�un des Op�ras les plus prestigieux, celui de Vienne, o� il dirigea, entre autres, des �uvres de celui qu�il admirait entre tous, Richard Wagner. Mais ses propres compositions demeurent m�connues (symphonies, lieder avec orchestre).
Il faudra attendre encore une cinquantaine d�ann�es apr�s la mort de Mahler, jusqu�au d�but des ann�es 1960, pour qu�on se persuade qu�on avait affaire � un compositeur de g�nie. Entre temps, il est vrai qu�il y eut la p�riode sombre du nazisme, pendant laquelle Mahler fut, dans son propre pays, class� au rang des "musiciens d�g�n�r�s" et interdit d�ex�cution.
Mahler lui-m�me se d�finissait volontiers comme un apatride: "Je suis trois fois un exil�, disait-il : comme natif de Boh�me en Autriche, comme Autrichien en Allemagne, et comme Juif dans le monde entier."
Chaque ann�e, durant l��t�, Mahler avait pris l�habitude de s�isoler dans un chalet de montagne, au Tyrol ou dans les Dolomites, et c�est l� qu�il se livrait � son travail de composition, � ses symphonies monumentales et � ses lieder. Ses sources d�inspiration, il les trouvait bien s�r au contact de la Nature (bruits de la for�t, chants d�oiseaux, danses paysannes), mais aussi, � contrario, dans les sinistres bruits que font les hommes en arme. Dans ses symphonies alternent souvent des marches militaires fun�bres et l�exaltation d�une joie presque extatique. Joie qui n�est pas sans rapport, � certains moments, avec les rituels et la liturgie catholiques qui fascinaient Mahler: c�est particuli�rement vrai dans les symphonies n�2 et n�8.
Comme beaucoup de grands artistes, on peut dire de Mahler qu�il �tait en avance sur son temps. Si son �uvre a d� attendre jusqu�au d�but des ann�es 1960 pour �tre reconnue � sa juste valeur, c�est aussi sans doute parce qu�elle �tait pr�monitoire : elle pressentait les drames � venir, les guerres mondiales, les camps de concentration et toutes les horreurs du XXe si�cle. Mais elle disait aussi l�esp�rance et la joie, plus fortes que toutes les abominations. Je ne sais s�il en avait conscience, mais oui, Mahler composait pour les g�n�rations � venir, il composait pour nous, et son �uvre n�a pas fini de nous bouleverser.
2010 ANNEE CHOPIN
par Luc Schweitzer, ss.cc
>> Nous comm�morons en 2010 le bicentenaire de la naissance de deux des plus grands compositeurs du XIXe si�cle: Robert Schumann et Fr�d�ric Chopin.
Chopin est n�, comme on le sait, en Pologne, � Zelazowa-Wola, le 22 f�vrier 1810, d�un p�re fran�ais et d�une m�re polonaise. Tr�s t�t, voyant celle-ci au piano, il se passionne pour cet instrument au point qu�il lui consacrera sa vie. Non seulement il prend des le�ons de piano, mais, enfant prodige, il s�essaie tr�s vite � l�improvisation puis � la composition. D�s 1817, une polonaise en sol mineur est �dit�e. Les critiques sont �logieuses et Chopin ne tarde pas � conna�tre la c�l�brit�.
D�s qu�il peut, il entreprend des voyages: il se rend � Berlin o� il croise Mendelssohn, puis � Vienne en 1829. Le concert qu�il y donne le 11 ao�t de cette ann�e-l� obtient un succ�s retentissant. En 1831, la r�pression de l�insurrection polonaise contre les Russes l�oblige � quitter d�finitivement la Pologne, pays auquel il restera n�anmoins tr�s attach� jusqu�� la fin de ses jours. A Paris, il fait la connaissance de nombreuses personnalit�s, en particulier de Liszt. Son premier concert parisien, en 1832, est un triomphe. Sa renomm�e est telle qu�on se bouscule afin d��tre admis parmi ses �l�ves.
Mais Chopin n�appr�cie que fort peu les concerts, d�autant plus que sa sant� se d�grade. Il pr�f�re se produire devant un public restreint. En 1836, chez Liszt, il est pr�sent� � George Sand avec qui il vivra une liaison d�une dizaine d�ann�es. Il compose pendant ces ann�es-l� nombre de ses chefs d��uvre. Malheureusement, la tuberculose gagne du terrain, son �tat ne cesse d�empirer et il meurt, � Paris, le 17 octobre 1849.
Apr�s ce r�sum� fort bref de la vie du grand compositeur, je voudrais simplement inviter � �couter ou � r��couter Chopin d�une oreille neuve, en oubliant autant qu�il est possible les poncifs et les st�r�otypes qu�on attribue g�n�ralement � ce musicien. Certes les clich�s de l�artiste solitaire et souffreteux, du musicien de salon, de l�homme tourment� ne sont pas enti�rement faux, mais ils ont le tort de ne nous faire entrevoir qu�une parcelle de v�rit�. Ne r�duisons pas Chopin � ces quelques clich�s!
Les meilleurs interpr�tes de Chopin sont ceux qui ne c�dent pas trop � la virtuosit�. Contrairement � son ami Liszt, Chopin n��tait pas un virtuose, d�o� son peu de go�t pour les grands concerts. Sa musique n�est pas tant faite pour briller que pour parler au c�ur, elle doit �tre interpr�t�e comme sur le ton de la confidence. En cela, Chopin se d�marque de la plupart des musiciens de sa g�n�ration. D�ailleurs, il admirait davantage les ma�tres du pass�, Bach et Mozart, que ses contemporains, Beethoven ou Schubert. Le langage musical de Chopin peut para�tre simple, mais ne nous y trompons pas: on sait bien qu�il n�y a rien de plus difficile que de donner l�apparence de la simplicit�. C�est peut-�tre pour cette raison pr�cis�ment, parce que ce langage, qui emprunte largement au folklore polonais, para�t simple, que cette musique, aujourd�hui encore, va droit au c�ur de l�auditeur.
