Saint Damien de Veuster et l'Adoration Eucharistique

par Sr. Katherine Francis Miller ss.cc, Hawa�
in "Cahiers de Spiritualit�" n�19

A plusieurs reprises, en visitant Kalaupapa et en causant avec ses r�sidents, j'ai �t� frapp�e par la joie spirituelle et la paix qui �manent des gens et des lieux. J'attribue ceci � l'engagement de Damien et de ceux et celles qui sont venus apr�s lui. Un esprit d'amour inconditionnel y r�gne en d�pit des faiblesses et des conflits, lot de la condition humaine. On y d�couvre comme une aura de pri�re, de louange et d'adoration nourrit non seulement par la beaut� grandiose de la p�ninsule, mais aussi par les souffrances personnelles transform�es en silence d'adoration de Celui qui demeure avec son peuple. C'est comme membre de la Congr�gation que Damien a transmis cette foi et cette pri�re dans la colonie des l�preux de Moloka�.

N'�tait-il pas devenu la personnification de l'article 5 de nos Constitutions de 1990: "Dans l'Eucharistie, nous communions � l'action de gr�ces de j�sus Ressuscit�, Pain de Vie,
Pr�sence d'Amour. La c�l�bration eucharistique et l'adoration contemplative nous font communier aux attitudes et aux sentiments du Christ � l'�gard de son P�re et du monde. Elles nous poussent � assumer un Minist�re d'intercession et nous pressent de travailler � la transformation du monde suivant les crit�res de l'Evangile".

La r�alit� de Dieu et une vie de foi �taient tiss�es au plus profond de la personnalit� de Joseph de Veuster. Depuis son plus jeune �ge, il avait fait l'exp�rience de Dieu et de la joie qu'on exp�rimente � accomplir Sa volont�, gr�ce au t�moignage de foi solide de ses parents qui avaient su le partager � leurs enfants.

Certaines anecdotes de son enfance nous rapportent comment la pri�re fut une dimension importante de la vie de joseph. "Un jour, lors d'une f�te paroissiale, � l'�ge de quatre ans, Joseph sortit tr�s t�t de la maison. Dans la soir�e, on commen�a � s'inqui�ter de son absence et les membres de la famille le cherch�rent partout. Son grand-p�re, le connaissant bien, pensa � l'endroit o� il pouvait se trouver. Peu de temps apr�s, la famille sortit et trouva Joseph priant seul sous le pupitre de l'�glise paroissiale". Une autre encore nous en dit long sur ce d�sir de la pri�re. Il avait dix-huit ans lorsqu'il participa � une retraite donn�e dans son �cole par un P�re R�demptoriste. Il fut tellement frapp� par le message du pr�dicateur qu'il commen�a � penser � la vie religieuse. Selon le t�moignage d'un cousin, �tudiant dans la m�me �cole, Joseph resta debout une grande partie de la nuit priant Dieu avec ferveur. Avant de partir pour la mission des Iles Sandwich il fit un p�lerinage au Sanctuaire de Notre Dame de Montaigu et passa la nuit enti�re en pri�re plut�t que de prendre du repos comme le faisaient tous les autres p�lerins."

"Je mets ma confiance dans le Seigneur."

Lorsque Joseph devint membre de la Congr�gation, prenant le nom de Damien, son amour pour la pri�re continua et s'exprima sous la forme privil�gi�e par la Congr�gation, c'est-�-dire, l'adoration devant le Saint Sacrement de l'autel comme l'indique le nom m�me de l'Institut: Congr�gation des Sacr�s Coeurs de J�sus et de Marie et de l'Adoration perp�tuelle du Tr�s Saint Sacrement de l'Autel.

Comme le mentionne le P�re Patrick Bradley ss.cc, dans sa publication "Le P�re Damien, missionnaire ss.cc", Joseph "se disciplinait pour vivre une vie r�gl�e, centr�e sur la m�ditation et l'Eucharistie, l'adoration, le br�viaire et le chapelet, suivant la pi�t� traditionnelle et les usages de la Congr�gation en ce temps".

La vie de Damien fut soutenue par l'Eucharistie dans laquelle il puisa inspiration, force et courage. En 1869, missionnaire � Kohala, � Hawa�, il �crivait � ses parents: "Je mets toute ma confiance dans le Seigneur qui m'a accept� comme son serviteur et qui me nourrit chaque jour de son corps et de son sang dans le Saint Sacrifice de la messe".

L'Eucharistie et l'adoration entretenaient son z�le, le faisant entrer dans les attitudes et les sentiments de J�sus, le Bon Berger. En 1865, il �crivit � ses parents: "Nos pauvres insulaires s'estiment fort heureux quand ils voient arriver Kamiano - nom canaque pour Damien -. Et moi de mon c�t� je les aime beaucoup ; je donnerais volontiers ma vie pour eux, comme l'a fait notre divin Sauveur. Aussi, je ne m'�pargne pas quand il s'agit d'aller voir des malades � sept ou huit lieux".

"Un jour, pour pouvoir rencontrer quelques chr�tiens de sa paroisse qui n'avaient pas eu la visite d'un pr�tre depuis quatre ans, il dut franchir ravins et montagnes � tel point que ses mains et ses pieds en furent ensanglant�s". Son z�le se manifestait en une ing�nuit� apostolique. Pour se faire remplacer le dimanche, dans les groupes de n�ophytes o� sa pr�sence faisait d�faut, le P�re Damien forma des "chefs de pri�re". "Nos chr�tiens ne peuvent avoir la Messe du dimanche, alors savez-vous comment nous faisons ? Lorsque nous trouvons un jeune homme manifestant une aptitude, nous lui donnons une formation sp�ciale. Nous lui apprenons � lire et � expliquer les Ep�tres et les Evangiles du dimanche. En qualit� de 'chef de pri�re', il pr�side l'assembl�e des chr�tiens. Pri�res, chants, instructions sont assur�es. Il y en a parmi eux qui sont tr�s �loquents dans leurs allocutions. Cette fa�on de faire est � l'�vidence, b�nie de Dieu".

Finalement, ce z�le l'am�nera � se proposer comme volontaire pour la l�proserie du village de Kalawao sur l'�le de Moloka�. En 1873, il �crit � son fr�re Pamphile : "Ayant d�j� pass� sous le drap mortuaire le jour de mes v�ux, je crus de mon devoir de m'offrir � Monseigneur Maigret, qui n'eut pas la cruaut� de commander un tel sacrifice� Chaque matin, apr�s la Messe, qui est toujours suivi d'un moment d'enseignement, je vais visiter les malades� Pour les gagner � j�sus Christ, je deviens moi-m�me un l�preux parmi les l�preux. C'est pour cela que je ne pr�che plus en disant 'mes chers Fr�res', comme en Europe, mais 'nous les l�preux'".