Le battage m�diatique orchestr� autour de la mort de Micka�l Jackson a failli nous donner des maux de t�te. Heureusement, il y a d�autres �v�nements qui, m�me s�ils n�int�ressent gu�re les m�dias, nous procurent de grandes joies. Savez-vous, par exemple, qu�� 81 ans, Gilles Vigneault vient de nous donner son trenti�me album? Eh oui, le chantre du Qu�bec, qui nous a tant enthousiasm�s d�j�, non seulement nous livre ses treize nouvelles chansons, mais entame une tourn�e de concerts. Les po�tes prennent-ils jamais leur retraite? Il faut croire que non�
Treize chansons donc (et un prologue), dans lesquelles on retrouve des th�mes chers au c�ur de ce grand artiste, de cet amoureux de la langue fran�aise. Ainsi chante-t-il � nouveau son pays, en �voquant ici son village de Natashquan. Ainsi fait-il encore le portrait de gens simples: Lucas l��colo ("un paysan qui respectait la terre") et Jack Tattoo, portrait d�un vagabond qui fait �cho � "La Ballade d�un sans-abri", une belle chanson que l�on trouve sur l�album pr�c�dent de l�artiste.
Mais Gilles Vigneault interroge aussi notre monde, notre modernit� si l�on veut, nos travers d�hommes du XXIe si�cle, nos oreilles coll�es aux portables, nos yeux riv�s sur des �crans. Il chante "une journ�e sans portable, sans t�l�, sans r�pondeur�", il s�inqui�te de nos manies d�internaute.
Il me semble que l�on peut r�sumer toute l��uvre de Gilles Vigneault avec ces deux simples mots: le mot "pays" bien s�r, mais aussi le mot "amour". Quand il chante le pays, on peut certes penser au Qu�bec, mais on peut tout autant songer � son propre pays, au pays qui est le n�tre et � notre pays int�rieur, celui o� r�gne peut-�tre le mot "amour". "Avec trois mots d�amour en t�te, nous dit Gilles Vigneault, voyez la moindre chansonnette qui fait le tour de la plan�te".
Que de tr�sors, qui dormaient dans les archives de l�INA (Institut National de l�Audiovisuel), sont � pr�sent, gr�ce � la magie des moyens modernes de diffusion, accessibles au grand nombre! Beaucoup de ces pr�cieux documents sont mis en ligne sur www.ina.fr, certains sont �galement �dit�s en DVD.
Sans se laisser aller � trop de nostalgie, on est tout de m�me heureux de revoir ainsi � loisir des artistes aujourd�hui disparus, mais qu�on aime toujours avec passion. Ainsi en est-il de Jean-Roger Caussimon (1918-1985), f�t�, pourrait-on dire, par un superbe coffret de deux DVD bourr� de documents rares et � combien �mouvants!
Pour ceux � qui le nom de Caussimon ne dit rien, rappelons donc rapidement qui il fut. En sch�matisant forc�ment quelque peu, on peut dire qu�il fut l�homme de deux passions: celle du th��tre et celle de la chanson. D�s 1944, il est engag� par Charles Dullin au Th��tre de l�Atelier; il interpr�te sur les planches des r�les prestigieux, notamment ceux de Volpone ou de Richard III. Il appara�t �galement dans de tr�s nombreuses fictions des d�buts de la t�l�vision et dans une centaine de films diffus�s sur grand �cran. De grands noms du cin�ma font appel � lui: Jean Renoir, Marcel Carn�, Bertrand Tavernier�
Dans le m�me temps, Caussimon �crit. Il sait que ses textes ont vocation � �tre dits ou, mieux encore, chant�s. La rencontre d�cisive a lieu en 1947: c�est celle de L�o Ferr�. Na�t alors une grande amiti�. Ferr� met en musique et chante des textes de Caussimon: "A la Seine", "Monsieur William", etc. D�autres interpr�tes sont �galement s�duits: Catherine Sauvage, les Fr�res Jacques, Philippe Clay,�
Ce n�est que dans les ann�es 70 qu�il se d�cide � �tre son propre interpr�te; il se produit de moins en moins en tant qu�acteur afin de se consacrer presque exclusivement � la chanson. Il enregistre six albums et multiplie les r�citals. Ses chansons sont parfois intimistes, souvent elles interrogent le monde contemporain. Quand on les �coute aujourd�hui, en 2009, on se dit d�ailleurs qu�elles n�ont rien perdu de leur pertinence.
A L�o Ferr� qui lui d�cernait le titre de po�te, il �crivait, dans une lettre de 1967: "Faites-moi une petite place de chansonnier. Et d�j� je serai content." En v�rit�, il fut bien plus qu�un simple chansonnier, mais c��tait un homme modeste�