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saint damien: Messe d'action de grace a poitiers

Hom�lie de Mgr Albert Rouet

Toute la famille des fr�res et s�urs de Picpus (la grand'maison � Poitiers) s'est retrouv�e ce dimanche 8 novembre apr�s-midi � l'�glise Saint-Hilaire avec les chr�tiens du Poitou autour de Mgr Albert Rouet pour une messe d'action de gr�ce pour la canonisation du p�re Damien de Veuster.

L'animation liturgique fut soutenue par le ch�ur des jeunes du groupe Pic'pulse, qui ont permis de vivre une messe priante et joyeuse. Mgr Albert Rouet a donn� l'hom�lie rappelant la saintet� du P�re Damien dans un contexte historique et pratique difficile. Cependant le p�re Damien a su aimer ses fr�res, en vivant au milieu d'eux, en les reconnaissant comme des hommes � part enti�re, � l'image du Christ. Photos de la c�l�bration sur le site du dioc�se: www.diocese-poitiers.fr

A la fin de la messe, les s�urs de la congr�gation ont offert une repr�sentation du p�re Damien � la communaut� locale, en remerciement du bel accueil fait pour ces journ�es de f�te, ainsi qu'une �charpe � l'effigie du nouveau saint au p�re Pierre Boinot, le pr�tre responsable du secteur pastoral. Tout le monde s'accordait � l'issue de la c�l�bration sur le fait que ces f�tes poitevines furent tr�s sympathiques, notamment l'accueil de la centaine de jeunes dans les familles de Poitiers.

Hom�lie de Mgr Albert Rouet
Evangile selon saint Jean 10, 11-18

Quand Monseigneur Maigret, n� � Saint-Pierre-de-Maill�, un de nos compatriotes, l�a ordonn� pr�tre pour son immense dioc�se des �les Hawa�, il faisait de Damien de Veuster un pasteur. Car le pr�tre est d�abord un pasteur.
Dans l��vangile que nous venons d�entendre le pasteur se caract�rise par deux qualit�s: il conna�t ses brebis et il donne sa vie pour elles. De mani�re rapide, ces deux crit�res, que le Christ laisse pour �tre v�ritablement un berger, ne semblent pas s�appliquer directement � Damien. Il est probablement utile de suivre l��volution de cet homme pour comprendre un peu moins mal ce qu�est la saintet�.

Conna�tre ses brebis: quand Damien arrive dans sa zone de mission, il reste tributaire de la culture de son temps. L�Europe, m�me expatri�e sur place par la pr�sence de commer�ants, ne voyait dans les Oc�aniens que des �tres libidineux, attach�s � des coutumes obsc�nes, de grands enfants plut�t paresseux et incapables d�initiatives. Tel �tait d�ailleurs le regard que l�Europe posait g�n�ralement sur le reste du monde. Parler de ces conditions de pr�paration anthropologique, de d�couverte des cultures, de connaissance des civilisations, on peut dire que c��tait le cadet des soucis des missionnaires qui partaient. Ils allaient obs�d�s par une chose : faire du chiffre sacramentel. Il fallait baptiser au plus vite, marier le plus rapidement possible, de mani�re � pouvoir faire en fin d�ann�e des statistiques capable de damer le pion aux missionnaires protestants pr�sents avant eux dans les �les du Pacifique. �cum�nisme, degr� z�ro ! Partir dans de telles conditions, avec une telle appr�ciation des hommes et femmes que l�on va rencontrer, ne pr�dispose pas n�cessairement � les conna�tre.

Plus grave encore, la l�pre �tait devenue une maladie politique, car l�essentiel du gouvernement Gibson, le Premier ministre, consistait � montrer les efforts faits pour isoler les l�preux. Pour justifier cette politique d�exclusion, on en appelait � l�Ancien Testament qui demandait de mettre hors de la cit� toute personne atteinte de la l�pre. Ce fondamentalisme justifiera quelques d�cennies plus tard l�attitude d�apartheid. C�est l�utilisation de la Bible, de la Parole de Dieu, au service de nos peurs ou de nos ambitions. Etre pr�tre du Christ avec une telle m�connaissance de la r�alit�, est-ce possible? Tout cela est vrai.

Bien entendu, nous n�avons pas � juger le si�cle pr�c�dent avec le m�me anachronisme que ce si�cle portait sur des peuplades plus anciennes. Mais en tout cas, il faut se demander si ce regard d�nu� d�ethnologie permettait de comprendre la r�alit� objective. La peur m�me de la l�pre avait pris des proportions incommensurables. Elle appartenait alors � ce qu�on appellera plus tard les maladies sexuellement transmissibles. Par cons�quent, si Damien �tait l�preux, c�est qu�il avait eu une conduite immorale. Hansen d�s 1873 avait d�couvert le bacille de la l�pre. Il avait montr� qu�il �tait un bacille peu vivant, tr�s peu contagieux. Donc le risque d��pid�mie �tait en soi assez faible. Pour une raison inexpliqu�e, entre 1860 et 1880, la l�pre ne cesse de progresser dans ces �les. Apr�s elle d�clinera. Donc voici un ensemble de m�connaissances qui posent la question: "comment conna�tre son peuple?"

L� il faut se rendre compte que, si utiles que soit les analyses de la civilisation, la connaissance m�dicale (la l�pre ne sera d�finitivement maitrisable qu�en 1940), quelles que soient ces sciences objectives, il faut se demander si elles contiennent mani�re de conna�tre. Ne connaissons-nous que dans l�analyse du foie ou du pancr�as? Ne connaissons-nous que ceux dont on peut examiner et noter les connaissances universitaires ou exp�rimentales? Ne connaissons-nous que ceux qu�on peut mesurer, peser, cerner, diss�quer? Il y a d�autres mani�res de connaitre: par l�int�rieur, par la proximit�. Cette attention d�couvre que ces hommes et ces femmes aux coutumes si �tranges, et aux yeux de Damien aussi condamnables, sont des �tres humains comme nous. A partir du moment o� l�on accepte que cet autre-l�, si v�ritablement autre, appartient � la m�me esp�ce, dont le Christ est lui-m�me un repr�sentant, une porte s�ouvre pour conna�tre autrement l�humanit�. Elle n�est plus constitu�e de rivaux et de dangers. Elle n�est plus divis�e en sur-hommes et en sous-hommes. Elle s�appuie sur une �galit� de base, qui nous fait homme de la m�me chair et du m�me sang. Justement ceux-ci sont donn�s par Marie au Fils de Dieu. Rencontrer un fr�re humain, c�est rencontrer quelqu�un dont Dieu s�est fait proche.

A partir de l�, on conna�t l�autre par le c�ur, par l�int�rieur. Lentement, ann�es apr�s ann�es, Damien, qui fait preuve d�un grand enthousiasme, signe une premi�re lettre � Moloka� "nous autres l�preux", alors m�me qu�il ne l�est pas encore. Damien d�couvre avec une patience obstin�e, que conna�tre ces autres si diff�rents, le Christ seul pouvait le lui permettre afin de les voir en v�rit�. La saintet� n�est plus une question de sciences seulement, ni de connaissances. Le pasteur n�est pas un v�t�rinaire ! On conna�t les autres par l�int�rieur, en les regardant avec les yeux du Christ donnant sa vie pour eux. Damien a accept� de laisser son regard �tre fa�onn� par la lumi�re du crucifi�. Il a connu le prix des autres, parce qu�il a su l�amour que le Christ leur portait. Il a connu la r�alit� des autres, parce qu�il s�est laiss� �duquer par la g�n�rosit� du Fils mourant. Par cons�quent, il est pasteur, ayant connu les siens � la mani�re dont le Christ conna�t. Il a connu par le c�ur.

Donner sa vie

Donner sa vie: Quand on regarde � travers les si�cles l�histoire de ceux et de celles qui ont donn� leur vie, on ne peut manquer d��tre surpris. Car on y rencontre de r�elles g�n�rosit�s, mais aussi des d�viances psychologiques particuli�rement regrettables. Car donner sa vie peut devenir l�endroit de l�affirmation de soi.
Donner sa vie peut �tre l�indice qu�on se d�teste et qu�on donne une vie � laquelle on n�est soi-m�me pas attach�. A ce moment-l�, la phrase du Christ "d�aimer les autres comme soi-m�me" (Mt 19,19) devient une sinistre plaisanterie. Car si on ne s�aime pas soi-m�me, comment pourrait-on donner sa vie � l�autre? La g�n�rosit� m�me, apparemment si grande et si brillante, peut r�v�ler pour certains l�endroit de la n�vrose, l�endroit d�un refus. Des blessures profondes d�s�quilibrent l�affectivit� et conduisent d�autant plus � se donner qu�on n�a pas envie de se trouver. Qu�est-ce qui nous prouve que Damien est un homme �quilibr� et que le fait de se porter volontaire pour vivre au milieu des l�preux, les rejet�s, les abandonn�s depuis des si�cles, pr�sente une marque d�amour et non d�une psychologie malade? Vous savez que dans tout proc�s de canonisation, cette question est pos�e. Car on n�a pas le droit de donner en exemple au peuple de Dieu des gens dont l��quilibre, loin d��tre �vang�lique, ne serait que l�expression de leur mis�re.

Damien �tait un homme profond�ment �quilibr�. On peut dire qu�il a travers� suffisamment de crises capables de mettre � terre bien des personnes par ailleurs normalement constitu�es. Les coll�gues que la pauvre congr�gation lui envoie (la congr�gation naissance avait vu 24 de ses premiers membres envoy�s en mission faire naufrage, donc une congr�gation fragile), ne sont pas eux-m�mes d�une sant� suffisante ou d�un caract�re supportable.
Au lieu d��tre des aides, ces coll�gues sont plut�t des croix. Damien veille dans ses lettres � garder la charit� minimale, mais il est suffisamment net pour avertir ses sup�rieurs qu�il est dans l�incapacit� de poursuivre de telles collaborations. Ses sup�rieurs eux-m�mes, un vice-provincial qui ne le comprend pas, un �v�que Monseigneur Koeckman h�site et se d�file. Damien se trouve pris au milieu de tourmentes internationales: par l�indiscr�tion de lettres publi�es dans des journaux, l�Europe enti�re, � commencer par l�Angleterre, s��prend de l��uvre de Damien. Le voici h�ros, le voici t�moin, le voici martyr, le voici canonis� de son vivant, pour la plus grande d�ception de ses sup�rieurs! Evidemment le gouvernement des �les Hawa� prend les louanges adress�es � un pr�tre catholique pour une critique de sa politique, �labor�e par les protestants. Damien re�oit beaucoup d�argent quand la mission autour de lui en manque. Damien est c�l�bre alors qu�il est l�preux. Mais ce calme, cette capacit� de traverser de mani�re fid�le toutes les difficult�s, les contradictions et les incompr�hensions, ne se maintiennent que par une paix suffisante en soi-m�me. Aucune personne n�vros�e ne r�siste � ce traitement, ou alors elle s�en repait. On n�a jamais vu Damien tirer profit des critiques, des incompr�hensions, des calomnies dont il a �t� victime.

Mieux encore, il faut tenir compte d�un point fondamental pr�sent dans la grande tradition des P�res du d�sert ou des moines: Damien travaille. Cela peut vous sembler �vident. N�en croyez rien. Alors m�me qu�il d�plore sa solitude � Moloka�, Damien n�arr�te pas de construire, d�agrandir, de refaire, de restaurer� c�est un b�tisseur-n�. Ce paysan flamand s�active sans rel�che � organiser les villages de l�preux Il veut donner aux petits enfants abandonn�s et aux petites filles sans famille, un g�te et de quoi manger. Il y a l� le r�alisme de quelqu�un qui sait que, ni les grands sentiments, ni les grandes d�clarations ne suffisent. On ne sera pas jug� sur ce que l�on a dit, mais sur ce que l�on a fait. Le travail qu�accomplit Damien est une mani�re de r�aliser concr�tement l��uvre � laquelle il s��tait destin�. Dans cet �quilibre se trouve une perception tr�s r�aliste des choses. D�s son arriv�e et jusqu�au bout, le travail qu�il a fait pour les l�preux, l�a travaill� lui-m�me. Il s�est laiss� conduire et fa�onner, par ce qu�il faisait au nom du Christ pour les plus pauvres et les plus abjects de ses fid�les. Il a donn� sa vie en partageant le sort de ceux � qui la maladie prenait la vie et en faisant tout son possible pour leur permettre de vivre humainement. Le travail est une �uvre de relation.

Cette maladie comporte une forme de passivit�. On n�y peut rien. On ne l�a pas cherch� ; on a voulu l��viter. Mais la maladie vous tombe dessus, au point qu�au d�but Damien n�a pas cru r�ellement qu�il �tait malade. Il s�est laiss� prendre. Bien s�r, il s��tait mis dans une situation telle qu�il risquait �norm�ment. Il s�est laiss� prendre par un partage. Comme le Christ. En prenant notre vie, le Verbe s�est laiss� prendre par la mort. En prenant notre histoire humaine, il a risqu� d��tre pris par la haine. En prenant notre condition humaine, il en a pris les limites. La saintet� nait de cette acceptation.

Le saint: une g�n�rosit� qui s'offre

On d�couvre dans la mani�re dont Damien a �t� pasteur ce qu�est la saintet�. Elle n�est pas l��galit� psychologique d�un caract�re heureux. Elle n�est pas m�me pas l�image vertueuse, sans t�che. Damien avait ses exc�s d�humeur, il avait du caract�re. Tout cela d�finit des sagesses ou des morales, mais ne dit rien de la saintet�. Elle commence quand se l�ve un �lan, quand br�le un feu, quand on se laisse soi-m�me d�passer, tel qu�on est, par la g�n�rosit� du Christ, g�n�rosit� qu�il place en nous. A ce moment-l�, cet homme ou cette femme devient une source. Car � travers lui ou � travers elle, c�est toute l�ardeur de l�Esprit du Christ qui passe. "Glorifiez Dieu dans votre corps" �crit saint Paul (1 Co 6,20). C�est comme l�preux que Damien est glorifi�. Car les plaies qu�il portait, plaies ouvertes et puantes, d�voilaient la marque d�un c�ur qui �tait d�j� plac� ailleurs, dans le Christ. Le saint est celui qui r�alise vraiment ce que le Christ nous dit dans saint Jean: "Si quelqu�un croit en moi, des fleuves d�eau vive couleront de son sein" (7,38). Le saint est une source; il est une g�n�rosit� qui s�offre. C�est par l� qu�il est l�image de Dieu.

Saint Damien, priez pour nous !

Texte et photos: www.catho-poitiers-centre.fr















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