"Que dois-je faire pour avoir en h�ritage la vie �ternelle ?". C'est par cette question que commence le bref dialogue que nous avons �cout� dans la page de l'�vangile entre un personnage, ailleurs identifi� comme le jeune homme riche, et J�sus (cf. Mc 10, 17-30). Nous n'avons pas beaucoup de d�tails concernant ce personnage anonyme ; de ces quelques traits, nous parvenons cependant � percevoir son d�sir sinc�re de parvenir � la vie �ternelle en conduisant une honn�te et vertueuse existence terrestre. Il conna�t en effet les commandements et les observe fid�lement depuis sa toute jeunesse. Et pourtant, tout ceci, qui est certes important, ne suffit pas - dit J�sus - une seule chose manque, mais elle est essentielle. En le voyant alors bien dispos�, le divin Ma�tre le fixe avec amour et lui propose le saut de qualit�, l'appelle � l'h�ro�sme de la saintet� et lui demande de tout abandonner pour le suivre : � Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres (...) puis viens et suis-moi � (v. 21). � Viens et suis-moi ! �. Voil� la vocation chr�tienne qui jaillit d'une proposition d'amour du Seigneur et qui ne peut se r�aliser que gr�ce � notre r�ponse d'amour. J�sus invite ses disciples au don total de leur vie, sans calcul ni int�r�t humain, avec une confiance sans r�serve en Dieu. Les saints accueillent cette invitation exigeante et se mettent, avec une humble docilit�, � la suite du Christ crucifi� et ressuscit�. Leur perfection, dans la logique de la foi parfois humainement incompr�hensible, consiste � ne plus se mettre au centre, mais � choisir d'aller � contre-courant en vivant selon l'�vangile. C'est ce qu'ont fait les cinq saints qui sont propos�s aujourd'hui, avec grande joie, � la v�n�ration de l'�glise universelle : Zygmunt Szsczęsny Feliński, Francisco Coll y Guitart, Jozef Damiaan de Veuster, Rafael Arn�iz Bar�n, et Marie de la Croix (Jeanne) Jugan. En eux, nous contemplons la r�alisation des paroles de l'ap�tre Pierre : � Voil� que nous avons tout quitt� pour te suivre � (v. 28) et la consolante promesse de J�sus : � personne n'aura quitt�, � cause de moi et de l'�vangile, une maison, des fr�res, des soeurs, une m�re, un p�re, des enfants ou une terre, sans qu'il re�oive, en ce temps d�j�, le centuple : ... avec des pers�cutions, et, dans le monde � venir, la vie �ternelle � (vv 29-30).
Zygmunt Szsczęsny Feliński, Archev�que de Varsovie, fondateur de la Congr�gation des S�urs Franciscaines de la Famille de Marie, a �t� un grand t�moin de la foi et de la charit� pastorale � une �poque tr�s difficile pour la nation et pour l'�glise en Pologne. Il s'occupait avec ferveur de la croissance spirituelle de ses fid�les, aidait les pauvres et les orphelins. � l'Acad�mie eccl�siastique de Saint-P�tersbourg, il prit grand soin de la formation des pr�tres. En tant qu'Archev�que de Varsovie, il invita avec ferveur tous les fid�les � un renouveau int�rieur. Avant l'insurrection de 1863 contre l'annexion russe, il mit en garde le peuple contre une inutile effusion de sang. Quand pourtant l'�meute �clata et que les pers�cutions s'ensuivirent, il d�fendit courageusement les opprim�s. Sur ordre du tsar russe, il passa vingt ans en exil � Jaroslaw sur la Volga, sans jamais pouvoir rentrer dans son dioc�se. Il conserva en toute situation sa foi in�branlable dans la Providence divine et priait ainsi : � �, Dieu, prot�ge-nous des tribulations et des inqui�tudes de ce monde... multiplie l'amour dans nos c�urs et fais que nous conservions avec la plus profonde humilit� la confiance infinie dans Ton aide et dans Ta mis�ricorde... �. Aujourd'hui, que son don de soi � Dieu et aux hommes, empli de confiance et d'amour, devienne un exemple �clatant pour toute l'�glise.
Saint Paul nous rappelle dans la deuxi�me lecture que � la Parole de Dieu est vivante et �nergique � (He 4, 12). En elle, le P�re qui est aux cieux, converse amoureusement avec ses fils de tous les temps (cf. Dei Verbum, 21), leur communiquant son amour infini et, de cette mani�re, les encourageant, les consolant et leur offrant son dessein de salut pour l'humanit� et pour chaque personne. Conscient de cela, saint Francisco Coll se consacra avec acharnement � la propager, accomplissant ainsi fid�lement sa vocation dans l'Ordre des Pr�cheurs, dans lequel il fit profession. Sa passion �tait d'aller pr�cher, en grande partie de mani�re itin�rante et suivant la forme des � missions populaires � pour annoncer et raviver la Parole de Dieu dans les villages et les villes de la Catalogne, aidant ainsi les personnes � une rencontre profonde avec Lui. Une rencontre qui porte � la conversion du c�ur, � recevoir avec joie la gr�ce divine et � maintenir un dialogue constant avec Notre Seigneur par la pri�re. Pour lui, son activit� d'�vang�lisation comprenait un grand d�vouement au Sacrement de la R�conciliation, une emphase remarquable sur l'Eucharistie et une insistance constante sur la pri�re. Francisco Coll atteignait le c�ur des autres parce qu'il transmettait ce que lui-m�me vivait int�rieurement avec passion, ce qui br�lait ardemment dans son c�ur : l'amour du Christ, son d�vouement total � Lui. Pour que la semence de la Parole de Dieu rencontre un terrain fertile, Francisco fonda la Congr�gation des S�urs Dominicaines de l'Annonciation, dans le but de donner une �ducation int�grale aux enfants et aux jeunes, de fa�on � ce qu'ils puissent d�couvrir la richesse insondable qu'est le Christ, l'ami fid�le qui ne nous abandonne jamais ni ne se lasse d'�tre � nos c�t�s, renfor�ant notre esp�rance avec sa Parole de vie.
Jozef De Veuster, qui re�ut le nom de Damiaan dans la Congr�gation des Sacr�s C�urs de J�sus et de Marie, quitta les Flandres, son pays natal, en 1863, � l'�ge de 23 ans, pour annoncer l'�vangile � l'autre bout du monde, sur les �les Hawa�. Son activit� missionnaire, qui l'a tellement rempli de joie, atteint son sommet dans la charit�. Non sans peur et sans r�pugnance, il fit le choix d'aller sur l'�le de Molokai au service des l�preux qui s'y trouvaient, abandonn�s de tous ; c'est ainsi qu'il s'exposa � la maladie dont ils souffraient. Il se sentait chez lui avec eux. Le serviteur de la Parole devint ainsi un serviteur souffrant, l�preux parmi les l�preux, au cours des quatre derni�res ann�es de sa vie.
Pour suivre le Christ, le P�re Damiaan n'a pas seulement quitt� sa patrie, mais a �galement mis en jeu sa sant� : c'est pour cela - comme le dit la parole de J�sus qui a �t� annonc�e dans l'�vangile d'aujourd'hui - qu'il a re�u la vie �ternelle (cf. Mc 10, 30).
En ce 20e anniversaire de la canonisation d'un autre saint belge, le Fr�re Mutien-Marie, l'�glise en Belgique est unie une nouvelle fois pour rendre gr�ce � Dieu pour l'un de ses fils reconnu comme un authentique serviteur de Dieu. Nous nous souvenons devant cette noble figure que c'est la charit� qui fait l'unit� : elle l'enfante et la rend d�sirable. � la suite de saint Paul, saint Damien nous entra�ne � choisir les bons combats (cf. 1 Tm 1, 18), non pas ceux qui portent la division, mais ceux qui rassemblent. Il nous invite � ouvrir les yeux sur les l�pres qui d�figurent l'humanit� de nos fr�res et appellent encore aujourd'hui, plus que notre g�n�rosit�, la charit� de notre pr�sence servante.
En revenant � l'�vangile d'aujourd'hui, � la figure du jeune qui pr�sente � J�sus son d�sir d'�tre bien plus qu'un bon ex�cuteur des devoirs que lui imposent la loi, r�pond la figure de Fr�re Rafael, canonis� aujourd'hui, mort � vingt-sept ans comme Oblat de la Trappe de San Isidro de Due�as. M�me s'il �tait de famille ais�e et, comme il le disait lui-m�me, d'� �me un peu r�veuse �, ses r�ves ne se dissip�rent pas devant l'attachement aux biens mat�riels et � d'autres buts que la vie du monde propose parfois avec grande insistance. Il r�pondit oui � la proposition de suivre J�sus, de mani�re imm�diate et d�cid�e, sans limites ni conditions. De cette mani�re, il entreprit un chemin qui, du moment o� il se rendit compte dans le Monast�re, qu'il � ne savait pas prier �, le porta en quelques ann�es au sommet de sa vie spirituelle qu'il relate avec une grande simplicit� et un grand naturel dans de nombreux �crits. Fr�re Rafael, encore proche de nous, continue � nous offrir par son exemple et son �uvre un parcours attractif, en particulier pour les jeunes qui ne se contentent pas facilement, mais aspirent � la pl�nitude de la v�rit�, � la plus indicible joie que l'on atteint pour l'amour de Dieu. � Vie d'amour... C'est l� la seule raison de vivre � dit le nouveau Saint. Et il insiste : � De l'amour de Dieu provient toute chose �. Que le Seigneur �coute avec bienveillance l'une des derni�res pri�res de Saint Rafael Arn�iz, lorsqu'il lui remit toute sa vie en suppliant : � Prends moi et donne-Toi au monde �. Qui se donne pour ranimer la vie int�rieure des chr�tiens d'aujourd'hui. Qui se donne pour que ses fr�res de la Trappe et les centres monastiques continuent � �tre le phare qui permet de d�couvrir le d�sir intime de Dieu qu'il a plac� dans tout c�ur humain.
Par son �uvre admirable au service des personnes �g�es les plus d�munies, Sainte Marie de la Croix est aussi comme un phare pour guider nos soci�t�s qui ont toujours � red�couvrir la place et l'apport unique de cette p�riode de la vie. N�e en 1792 � Cancale, en Bretagne, Jeanne Jugan a eu le souci de la dignit� de ses fr�res et de ses s�urs en humanit�, que l'�ge a rendus vuln�rables, reconnaissant en eux la personne m�me du Christ. � Regardez le pauvre avec compassion, disait-elle, et J�sus vous regardera avec bont�, � votre dernier jour �. Ce regard de compassion sur les personnes �g�es, puis� dans sa profonde communion avec Dieu, Jeanne Jugan l'a port� � travers son service joyeux et d�sint�ress�, exerc� avec douceur et humilit� du c�ur, se voulant elle-m�me pauvre parmi les pauvres. Jeanne a v�cu le myst�re d'amour en acceptant, en paix, l'obscurit� et le d�pouillement jusqu'� sa mort. Son charisme est toujours d'actualit�, alors que tant de personnes �g�es souffrent de multiples pauvret�s et de solitude, �tant parfois m�me abandonn�es de leurs familles. L'esprit d'hospitalit� et d'amour fraternel, fond� sur une confiance illimit�e dans la Providence, dont Jeanne Jugan trouvait la source dans les B�atitudes, a illumin� toute son existence. Cet �lan �vang�lique se poursuit aujourd'hui � travers le monde dans la Congr�gation des Petites S�urs des Pauvres, qu'elle a fond�e et qui t�moigne � sa suite de la mis�ricorde de Dieu et de l'amour compatissant du C�ur de J�sus pour les plus petits. Que sainte Jeanne Jugan soit pour les personnes �g�es une source vive d'esp�rance et pour les personnes qui se mettent g�n�reusement � leur service un puissant stimulant afin de poursuivre et de d�velopper son �uvre !
Chers fr�res et s�urs, rendons gr�ce au Seigneur pour le don de la saintet� qui resplendit aujourd'hui dans l'�glise avec une beaut� singuli�re. Alors que je salue affectueusement chacun d'entre vous - Cardinaux, �v�ques, autorit�s civiles et militaires, pr�tres, religieux et religieuses, fid�les la�cs de diff�rentes nationalit�s qui prenez part � cette solennelle c�l�bration eucharistique -, je voudrais vous adresser � tous l'appel � se laisser attirer par les lumineux exemples de ces Saints, � se laisser guider par leurs enseignements pour que toute notre existence devienne un cantique de louange � l'amour de Dieu. Que leur intercession c�leste et surtout la protection maternelle de Marie, Reine des Saints et M�re de l'humanit�, nous obtienne cette gr�ce.